Les personnes autistes adorent les chats. Dans cet article, six personnes autistes témoignent de leur vie quotidienne avec leur.s boule.s de poils adorée.s et du lien spécial qui les unit.
1. Aude
Je m'appelle Aude, j'ai récemment été diagnostiquée autiste Asperger à 31 ans après une errance diagnostique assez longue.
Il y a deux ans, lors de ma réinstallation en France après un séjour à l'étranger assez chaotique, j'ai eu envie de devenir famille d'accueil pour un chat via une association de mon département.
C'est ainsi qu'une petite chatte de cinq mois est arrivée chez moi à la fin de l'été. Elle était extrêmement méfiante envers les humains et on m'a prévenue que le but était de la sociabiliser avant de la proposer à l'adoption. À cette époque, je ne savais pas encore que j'étais autiste, ni que j'allais être la personne qui adopterait définitivement ce chat. J'ai dû attendre plusieurs semaines avant de pouvoir m'approcher de sa frimousse. La relation était distante, si je m'approchais
trop la chatte crachait de peur. Quand je l'ai vraiment vue de près pour la première fois, j'ai eu un véritable coup de foudre et j'ai su qu'elle allait rester chez moi. Au bout de quelques mois, j'ai fait appel à une comportementaliste et avec beaucoup de patience et de douceur, j'ai réussi à créer un lien avec la chatte, lien qui s'est progressivement intensifié. Six mois plus tard, j'ai effectué les démarches pour adopter Djaya. J'ai choisi ce nom qui signifie victoire en hindi, les langues faisant partie de mes intérêts spécifiques.
Aujourd'hui, Djaya est une chatte bien dans ses pattes et elle partage pleinement mon quotidien dans mon petit studio de 18m2. Je suis plus qu'heureuse de l'amour et du soutien que nous nous apportons mutuellement. Le lien que nous avons créé est très important pour moi, Djaya représente un soutien très important dans mon quotidien.
Je pense que les chats sont des animaux particulièrement bien adaptés au fonctionnement des personnes autistes car ils sont capables d'être très présents tout en ayant beaucoup de tact et de retenue. Les chats sentent généralement lorsque leur humain a besoin d'être seul ou au contraire d'être entouré. Le ronronnement est très rassurant et peut énormément aider lors des crises sensorielles. À un autre niveau, le chat est un animal dont il faut mériter l'amour et la compagnie, mais une fois le lien créé, il est indéfectible. En ce qui me concerne, je suis ravie d'avoir réussi à montrer à Djaya que les humains peuvent être une source d'amour et de partage, et je suis convaincue que les animaux (pas seulement les chats) sont un intermédiaire précieux pour les personnes autistes pour aborder le monde extérieur.
2. Wonder Aspie Woman
Mon chat, mon âme sœur. J'ai toujours eu une relation particulière avec mes chats. Le genre de relation que je ne pouvais avoir avec les humains. La sensation d'être en confiance, de ne pas être contrainte de porter un masque, de jouer un rôle. Et ce lien si fort et si marqué par une farouche indépendance en même temps. Les chats ont jalonné mon enfance solitaire. Souvent des chats errants, qui venaient dans mon jardin et me tenaient compagnie auxquels je pouvais me confier, moi, le vilain petit canard. Des chats très atypiques, souvent.
Et puis il y a eu mon Lumo. Celui que je surnommais mon Aspie-cat. Tellement nous nous ressemblions. Il avait ses petits rituels, ses moments d'angoisse. Il m'a sauvé la vie à de nombreuses reprises. Et sans doute celle de ma fille. Oui, j'ose l'affirmer. Il a toujours été d'un soutien indéfectible, jusqu'à me veiller, sans dormir ou somnolant à peine, dès que j'avais besoin de son soutien. Me calmant, toujours patte en avant à la super-cat, posée sur mon épaule lorsque j'étais en crise ou sur mon ventre pris de contractions beaucoup trop prématurées. Son regard était incroyable. Sa présence mon oxygène. Je ne me remets toujours pas de sa perte survenue il y a 3 ans, mais parfois je le sens encore proche, quelque part. Et je suis toujours entourée de chats atypiques. Mon Kheops, élevé par Lumo, a pris le relai de ronronthérapeute. Aussi intelligent que son frère, bavard dont je comprends parfaitement le langage et auquel je réponds. Mascarpone et Boomer
complètent la tribu poilue avec chacun leur caractère et leur présence puissante et discrète à la fois. Ce sont mes compagnons de vie, ma famille.
3. Louise
Louise, j'ai 30 ans je travaille dans le milieu associatif et suis bénévole en protection animale, j'ai vécu 7 ans à l'étranger et j'ai eu de nombreux animaux: chats, chiens, rats, perruches, poissons et même une ânesse!
J'ai adopté Kuraï à ses 4ans en République Tchèque: elle avait été laissée chez le vétérinaire et sa famille d'accueil n'était pas venue, c'était son 3ème abandon, elle est affectueuse mais territoriale, on peut dire qu'elle en a vécu des choses avec moi: burnout, déménagement de Prague à Paris en train pendant les grèves, cohabitation compliquée avec ma mère, deuil, déménagement à nouveau, accueil de nombreux chatons dont Charlie que j'ai adoptée.
Charlie est pot de colle et très joueuse, un voisin l'a trouvée abandonnée dans son jardin avec ses soeurs, je les ai fait placées sous asso et les ai gardées en FA, j'ai su dès le moment où je l'ai attrapée chez le voisin, sauvageonne, que je voulais l'adopter!
[*ndlr: Les chats sont les meilleurs amis des personnes autistes parce qu'] Ils sont doux, joueurs, ils nous apaisent et nous réconfortent.
[*ndlr: Voici comment j'ai rencontré mon chat.] Kuraï était terrorisée chez le vétérinaire, la pauvre ne comprenait pas ce qui lui arrivait, elle a été abandonnée car elle ne "s'entendait pas" avec le nouveau petit ami de sa FA.
Charlie était assez sauvage, le monsieur dans le jardin duquel elle avait été abandonnée 2 semaines avant les avait fait rentrer grâce à de la nourriture, elle se cachait dans la cuisine.
[*ndlr: Ce chat a changé ma vie de personne autiste parce que] Sans Kuraï je n'aurais pas eu la force de surmonter le burnout, le deuil ni de déménager d'un pays à l'autre en janvier lors de grèves, j'étais suicidaire et c'est grâce à elle que je suis toujours là, et heureuse en plus!
[*Voici une histoire amusante à propos de mon chat:] Kuraï adore que je lui coure après! c'est son jeu préféré depuis la mort de mon chat, et c'est comme cela que j'ai réussi à surmonter mon deuil, car elle me faisait jouer.
4. Lou
Je m'appelle Lou, j'ai 27 ans et je vis en Bretagne.
J'ai 2 minettes :
Shadow, 8 ans, une grande aventurière qui passe beaucoup de temps a vadrouiller et chasser dehors, surtout aux beaux jours et qui est plutôt indépendante bien qu'elle aime énormément les câlins aussi.
Pupuce, 8 ans également, qui est vraiment mon petit bébé. C'est une vraie glue qui n'aspire qu'a être contre moi à se faire bisouiller et câliner. Elle peut ne passer la journée qu'a faire que ça, ses journées préférées sont celles où je suis malade ou elle reste a dormir sur moi h24 Elle ne dort d'ailleurs que collée contre mon visage, je ne sais même pas comment je fait pour respirer mais finalement maintenant j'ai énormément de mal a dormir autrement que le nez dans son ventre.
Je ne pense pas que les chats soient spécifiquement les meilleurs amis des autistes, je pense que cela peut s'appliquer avec n'importe quel animal parce que ce sont des êtres qui sont toujours entiers. Ils ont une manière de s'exprimer et de communiquer qui diffère de la nôtre et qui peut nécessiter de se documenter et un petit peu d'entraînement pour réussir à bien se comprendre mais cela reste finalement plus simple qu'avec d'autres êtres humains car il n'y a jamais de mensonges, de sous - entendus, de manipulation. Si un animal exprime de la joie, c'est qu'il est heureux, s'il exprime du mal aise, c'est que quelque chose ne va pas. Ils ne nous jugeront jamais sur ce que l'on est , sur nos différences ou nos faux pas. S'il est bien sûr important de se renseigner sur les besoins qu'il aura avant d'accueillir un animal, quand on a fait un choix éclairé, la cohabitation est juste merveilleuse.
Shadow est née d'une minette sortie de fourrière alors qu'elle était gestation que j'avais en famille d'accueil à la maison. Je me souviens encore de la nuit de sa naissance, ma famille me prenait pour une folle à ne pas vouloir me coucher ce soir la mais je sentais que la naissance allait avoir lieu cette nuit - là, j'en étais certaine sans aucune raison vraiment valable et ça n'a pas loupé ;)
J'ai recueilli Pupuce grâce à coup du hasard incroyable. Je cherchais, de nuit, l'un de mes autre chat (disparu malheureusement depuis cet été ) qui avait pour particularite de miauler comme un tout petit chaton. Je l'ai entendu elle, en pensant l'entendre lui. C'est comme ça que je l'ai découverte dans le chéneau du toit d'une maison voisine. S'en est suivi un branle - bas de combat pas possible pour aller recuperer le plus vite possible, toujours au milieu de la nuit, une vieille et immense échelle en bois branlante et a moitié cassée dans le garage de ma mère, la porter temps bien que mal jusque - là et grimper dessus pour réussir a l'attraper. Tout ça, enceinte de 6 mois. C'était totalement inconscient, mais j'étais incapable de faire autrement. Le lendemain, 2 autres bébés gisaient sur le sol en bas de ce toit, je ne les ais malheureusement ni vu ni entendu ce soir- là mais je me dis que ma Pupuce n'était vraiment pas passée loin de finir pareil...
J'ai aimé et j'aime tous mes chats mais ma relation avec Pupuce est vraiment particulière. Elle est toujours la, comme un repère, comme un pilier. Son ronronnement m'apaise plus que tout. Je ne me sens jamais vraiment seule avec elle. Et je sais qu'elle a un besoin vital de ma présence. Là, où mes autres animaux souffriraient de me perdre mais parviendrait sans doute à trouver de nouveau repères et a créer un super lien avec une gentille autre personne, Pupuce je suis certaine qu'elle se laisserait mourir s'il m'arrivait quelque chose. C'est un vrai moteur parce que je me dis que je n'ai pas le droit de baisser les bras, que même si parfois la vie me semble insurmontable je n'ai pas le choix que de me surpasser pour rester présente pour elle, elle me donne tellement d'amour que je ne peux pas lui faire ça, je ne peux pas la laisser tomber.
[*Voici une histoire amusante à propos de mon chat:] Avec Pupuce encore. Quand je l'ai recueillie, je dormais toujours avec une petite peluche qui était du coup imprégnée de mon odeur. Pupuce me l'a littéralement volée et en a fait son doudou. Elle la trimballée partout dans la maison pour l'avoir toujours tout près d'elle et la têtait pour s'endormir ou s'apaiser. Si bien que la peluche est vite devenue un vieux bout de guenille ? Et malheureusement ce petit bout de guenilles a dû se retrouver jeté par erreur parce qu'un soir, catastrophe, on ne l'a plus retrouvée. Elle a alors passé une semaine à pleurer et pleurer et pleurer encore nuit et jour, à avoir un mal fou à dormir, à très peu manger... ça l'a vraiment chamboulée, c'était vraiment son doudou. J'ai racheté la même peluche, elle n'en a jamais voulut. C'était ce doudou - là et pas un autre.
[*J'ai quelque chose à ajouter par rapport à cet article] Étant dans la protection animale, je suis malheureusement très souvent confrontée à des situations qui auraient pu être évitées si les gens s'étaient mieux renseignés avant d'adopter leur animal.
Du coup, ce qu'il me paraît important à préciser, c'est qu'un animal reste un être vivant. Qu'il est essentiel de se documenter pour connaître ses besoins réels et être certain de pouvoir y répondre. Et surtout de garder en tête que ce sont, comme nous, des individus uniques. Il ne faut donc pas s'attendre à ce qu'ils soient parfaits, à ce qu'ils correspondent à l'image qu'on se faisait d'eux, a être toujours sur la même longueur d'onde qu'eux, à ce que ça se passe comme avec Mistigri le chat de machin bidule parcequ'on trouve telle ou telle chose trop géniale parce que notre chat ne sera Mistigri, on est pas machin bidule et l'environnement, le quotidien, les habitudes ne sont pas les mêmes. C'est vraiment essentiel de s'assurer d'être prêt à aimer et assumer l'animal pour qui il est, par pour qui on voudrait qu'il soit. Et garder en tête qu'il y a toujours, même dans les plus belles relations, des aspects plus négatifs. Simplement que les propriétaires de chats ne mettent pas forcement en avant.
Par exemple Pupuce est une chatte extrêmement sensible, un rien peut la perturber, la faire se sentir mal (l'odeur sur moi d'un animal qu'elle ne connaît pas, un nouveau meuble ou un meuble qui change de place, un déménagement, recevoir plusieurs personnes qu'elle ne connaît pas ou peu, que je soie un peu moins dispo pendant quelques jours). Elle exprime alors son mal - être en faisant des pipis partout hors de sa litière. C'est clairement quelque chose de particulièrement désagréable à avoir à gérer, et c'est quelque chose qui arrive pourtant même si je n'en parle pas spécialement si le contexte ne s'y prête pas parce que ça n'entame en rien la relation merveilleuse que j'ai avec elle. Mais du coup quelqu'un d'extérieur pourrait la voir comme la minette parfaite alors qu'elle a elle aussi ses défauts et ses particularités.
5. Oona
Je m’appelle Oona, j’ai 52 ans (mais 20 ans de moins en ressenti sauf physiquement, ou c’est plutôt 20 ans de plus) pas de diag officiel encore.
Le seul diagnostic que j’ai obtenu est celui de « surdouée » à mon entrée en primaire il y a un siècle.
Comme pour nous toutes, une vie et un parcours chaotiques, émaillé.e.s d’échecs, de peurs, de culpabilité et d’incompréhensions. Et un nombre incalculable de masques, casquettes et costumes que j’ai porté afin de me fondre dans la masse, de ne pas trop faire tâche …
De mes 10 ans à 12 ans j’ai vécu une période « magique » dans une maison à la campagne. Elle était mon refuge, surtout la fourche du cerisier dans lequel je passais des heures, été comme hiver, en compagnie de mon petit chat roux, Pacha, fusionnel, comme peuvent l’être les chats (et les chiens) avec les enfants. Son décès prématuré m’a tellement brisée que j’ai fait un black out et n’ai plus jamais voulu avoir d’animaux.
Je les ai donc regardés de loin, utilisant contre eux le bouclier plus ou moins invisible dont je m’entourais pour survivre.
Pour mes 38 ans, juste avant que ce bouclier ne vole en éclats lors d’un burn out professionnel, la dernière de mes sœurs (nous sommes 4) m’a offert un chaton, Fitz, pour mon anniversaire. Et son amour inconditionnel m’a touchée en plein cœur, même s’il m’a également ouverte à la souffrance animale, la souffrance humaine et à ma propre souffrance, que j’avais toujours niée …
J’en ai 5 ! Même si je suis bien consciente qu’au niveau financier, ce n’est pas du tout raisonnable …
Fitz, 14 ans, grand, roux et farouche. Il est comme moi, écorché vif, souvent inadapté, car il ne comprend pas forcement la vie en société avec ses congénères, et utilise la violence pour se préserver dans certaines situations. Nous nous comprenons d’un seul regard, et me plonger dans ses prunelles d’ambre suffit à me rasséréner.
Zoé et Floyd, 12 ans, indissociables car sœur et frère, roux, ronds et moelleux et surtout remplis d’amour. Tellement affectueux qu’ils en sont presque collants quelques fois. Ayant souffert de la faim chatons, ces deux - là sont vite devenus boulimiques et par période obèses.
Willoughbe, 10 ans, roux clair et blanc, extraordinairement touffu et beau, adopté par défaut pour éviter qu’il ne soit donné à des personnes pas à la hauteur. Son éducation ayant été finie par un jeune chien (sa mère était trop débordée par sa portée de 8 chatons !) j’ai toujours eu du mal à communiquer avec lui … notre relation est donc basée sur des incompréhensions, et comme il m’agace vite, je culpabilise d’être différente avec lui.
Molly, 7 mois, petite punaise grise tigrée (la seule entorse à la rousseur) que je ne devais garder qu’en tant que famille d’accueil, mais qui a su conquérir mon cœur dans une période pas facile pour moi. Elle me fait penser à Fitz jeune, mais cette fois je sais mieux m’y prendre avec un chat.
[ndlr*Pourquoi est – ce que selon vous, les chats sont les meilleurs amis des personnes autistes ?]
Afin d’être claire je vais les opposer aux chiens, qui m’ont toujours attirée, mais avec qui je ne savais pas vraiment comment réagir, un peu comme avec mes semblables, soit j’étais trop vive, trop spontanée, bizarre, et provoquais des mouvements de recul et de méfiance chez eux, soit ils finissaient par m’incommoder par leur demande trop pressante d’amour. Me plonger dans leur regard finit toujours par me faire monter les larmes aux yeux, (tant cet amour inconditionnel qui semble en déborder et une certaine tristesse me bouleversent)
En revanche, j’ai toujours eu l’impression que les chats savaient respecter les distances lorsque c’était nécessaire, et que s’ils décidaient de me forcer la main, c’était fait avec cet espèce d’humour « chat » (une sorte d’égocentrisme affirmé et ironique) irrésistible. Leur simple présence, ronronnante ne nécessite pas de contact physique pour apaiser ou prouver leur amour, ce qui est plutôt adapté. Et contrairement au cliché, je n’ai jamais trouvé les chats mystérieux, lunatiques à la rigueur, et pas plus que moi en fait !
[*ndlr Comment avez – vous rencontré votre chat ?] Même si je suis consciente qu’un chat, un animal, n’est pas un objet qu’on offre en cadeau, j’ai eu Fitz pour mon anniversaire. J’ai dû aller le choisir le jour J chez la jeune femme qui avait laissé sa mère faire une portée avant de la faire stériliser (hérésie anthropomorphique dont je n’étais pas consciente à l’époque) plusieurs chatons roux s’ébattaient dans un minuscule jardin envahi de hautes herbes, et je pouvais en apercevoir un autre derrière la baie coulissante entr’ouverte.
J’avais décidé de ne pas « choisir » (une de mes névroses, choisir c’est renoncer, donc c’est compliqué !) mais de laisser le chaton le faire à ma place.
Et là, le petit chaton maigrichon derrière la fenêtre m’a aperçue et pour me rejoindre, s’est cogné contre la vitre ! J’ai donc compris que c’était lui !
[*ndlr Pourquoi, selon vous, ce chat a – t- il changé votre vie de personne autiste ?] J’ai coutume de penser que Fitz m’a ouverte à l’amour, donc forcement à la souffrance, animale, humaine … même celle de la nature, des arbres d’ailleurs! En fait tout ce dont je me suis protégée tout au long de ma vie. Certes c’est souvent violent, mais je me sens « plus dans la vie » qu’avant, tout en prenant plaisir à m’isoler d’avantage avec lui et les autres membres du gang de chats. Je suis consciente que c’est paradoxal, mais ma vie est un paradoxe …
[*ndlr Avez – vous une histoire amusante à partager sur votre chat ?] Rien de précis ne me vient à l’esprit, il ne se passe pas une journée sans qu’ils ne me fassent sourire ou rire, plus encore depuis que Molly la coquine est entrée dans ma vie.
[*ndlr Aimeriez – vous ajouter quelque chose par rapport à cet entretien ?] Depuis toujours, j’ai des problèmes de sommeil, flot ininterrompu de pensées obsédantes à l’endormissement, anxiété … hyperacousie donc sommeil trop léger, souvent dérangé, rarement réparateur, d’où une attitude confinant à l’avarice (comptant et recomptant les heures nécessaires à mon repos) et à l’intolérance rigide (impossible de fermer l’oeil avec un homme dans mon lit ou de dormir dans un endroit étranger). Bref depuis 14 ans, avec mes chats, les nuits complètes se comptent sur les doigts des deux mains, mais pour rien au monde je ne changerais ma vie.
6. Clara
Je m’appelle Clara, j’ai 22 ans et je suis en démarche diagnostique TSA.
J’ai toujours été quelqu’un de très isolée, du fait d’une timidité maladive. A l’école surtout. Déjà en primaire, puis plus tard au collège, j’avais beaucoup de mal à me faire des ami.es. Je ne parvenais pas à comprendre les dynamiques des « groupes d’amies », les jeux de groupes, les blagues entre élèves. J’étais ainsi souvent mise à l’écart, moquée et harcelée. Le fait que je sois une bonne élève, qui ne contestais jamais l’autorité des professeurs n’a rien arrangé.
La situation s’est un peu arrangée au lycée mais j’étais toujours très seule et j’avais du mal à me faire et à garder des ami.es. Je n’arrivais pas non plus à aborder les garçons qui me plaisaient. Je ne savais pas comment faire et j’aurais bien aimé qu’on m’explique comment me comporter mais j’avais honte car les autres ne semblaient pas avoir ce genre de difficultés. Aujourd’hui, je suis toujours très angoissée par les relations sociales qui deviennent de plus en plus fatigantes, difficiles à gérer.
A la maison, j’avais également des difficultés. Pour m’habiller et pour manger notamment. Je ne supporte pas certains textiles ni certains aliments (je suis particulièrement sensibles aux textures).
J’ai appris à faire avec toutes ces difficultés, notamment grâce à mes intérêts spécifiques. C’est par exemple grâce à eux que j’ai pu créer une amitié stable et durable une fois arrivée à la fac. Parmi ces IS, figurent les chats.
Les chats ont toujours fait partie de mon quotidien. C’est un peu une histoire de famille. Petite, j’adorais aller chez mes grands-parents car il y avait toujours plein de chats. C’est donc tout naturellement que, vers mes 10 ans, j’ai demandé à mes parents si nous pouvions avoir un chat.
Nous en avons eu plusieurs : Blandou, un mâle blanc avec une pointe noire au bout de la queue; Framboise, une femelle écaille de tortue très affectueuse et Sweety, une femelle tigrée gris et noire. Les deux premiers n’étaient pas stérilisés et nous les avons perdu quelques temps après leur arrivée. Sweety est restée plus de 9 ans avec nous.
C’est avec Sweety que j’ai eu un vrai coup de coeur. Elle est entrée dans ma vie quand j’avais 11 ans. Elle est née le jour de ma fête, le 11 août. Je me suis toujours dit que c’était un signe. Et puis elle s’est enfuit pendant les vacances, alors que ma grand-mère la gardait chez elle. C’était une époque compliquée (divorce de mes parents) et sa perte est encore une source de grande souffrance et de beaucoup de chagrin pour moi.
Et puis, un jour, 2 ans plus tard, mon père a trouvé dans son jardin, un petit chat. Un chaton roux (cream taby) que nous avons adopté : Nounours qui a aujourd’hui 3 ans. Un chat adorable, câlin, gentil, doux…et très gourmand. Il a un lien particulier avec ma soeur.
Le compagnon de ma mère a également adopté une chatte : Nomade, que l’on appelle plutôt Nono. Une jolie femelle blanche et tâchetée de roux tigrée, du même âge que Nounours. On dirait un peu qu’elle porte une combinaison. Elle est gentille mais très craintive. Elle ne se laisse pas facilement approcher, ni caresser mais adore être près de nous. Elle a un air un peu mélancolique. Nounours et Nono ont grandi ensemble.
Et enfin il y a Plume. La petite dernière, âgée d’1 an. Blanche et noire, avec des reflets roux qui ne se voient qu’à la lumière. Je suis sa propriétaire et elle m’accompagne partout : chez ma mère, chez mon père, en vacances, dans mon appartement étudiant. Elle est câline, curieuse, affectueuse et téméraire. Elle nous suit partout et est très attachée à Nounours qui se comporte comme un papa poule avec elle. Ils jouent beaucoup ensemble. Nono a mis un peu plus de temps a l’accepter. Les tensions s’apaisent petit à petit, elles dorment ensemble, jouent de temps en temps toutes les deux mais Nono supporte assez mal le comportement de la petite qui est assez effrontée et excitée. Heureusement, Nounours est là pour jouer les arbitres.
Sweety était assez craintive et j’étais la seule personne a pouvoir la caresser et la porter dans mes bras sans problème. Mais, comme Nono, elle aimait beaucoup rester près de nous, histoire de nous surveiller. Quand arrivait l’heure du goûer, il suffisait qu’elle entende le bruit des papiers de gâteaux qui se déchirent pour accourir à toute vitesse à la cuisine. Elle adorait les morceaux de brioches et aussi le pain d’épices.
Nounours est hyper gourmand. Il demande toujours des croquettes et, quand on ne réagit pas assez vite…il se sert. Il a un jour trouvé le moyen de faire coulisser la porte du placard et d’atteindre le paquet de croquettes qu’il a percé avec ses griffes. Bref, il a bien mangé.
Nono adore qu’on lui gratte le ventre et sous les « bras ». Pour nous le demander, elle se met dans des positions complètement improbables. Idem quand elle dort, elle se met dans des positions étranges, le visage toujours enfoui soit entre ses pattes ou dans le pouf où elle dort (son endroit préféré), dans un oreiller, dans un plaid etc.
Plume, elle, est encore jeune et a, de ce fait, encore un comportement de chaton. Elle joue beaucoup, court partout. Surtout la nuit…Heureusement quand elle est seule avec moi dans mon appartement étudiant elle prend mon rythme et dort plus ou moins en même temps que moi, avec moi sur mon lit. Parfois même carrément à coté de moi sur l’oreiller à coté du mien. Mais un jour, une amie est venue dormir chez moi. N’ayant pas beaucoup de place dans l’appartement nous avons partager le même lit, elle s’est donc retrouvée à la place habituelle de Plume. Cette dernière l’a sans doute mal pris car elle a passé la nuit à « bondir » sur mon amie. Gentiment, sans la mordre ou la griffer mais en l’empêchant consciencieusement de dormir.
J’ai toujours préféré la compagnies des chats à celle des êtres humains. Quand je rentrais de l’école, puis du collège, je me réfugiais automatiquement auprès de Sweety. Je lui confiais mes problèmes. Moi qui subissais le harcèlement scolaire, l’incompréhension de mes camarades de classe, je trouvais beaucoup de réconfort à retrouver mon chat, ma confidente. C’était la seule qui ne me jugeais pas. J’avais l’impression qu’elle me comprenais. Quand j’en avais gros sur le coeur, quand je ne supportais plus les voix des personnes autour de moi, quand j’avais mal quelque part, quand je pleurais alors que je me sentais rejetée ou incomprise, quand j’étais en crise, j’allais la voir, je m’allongeais sur mon lit auprès d’elle, calée contre elle. Et ça allait mieux.
Aujourd’hui Nono et Nounours et surtout Plume ont pris le relais. Nounours et Nono m’apportent beaucoup de joie. Je ris de leur chamaillerie, de leur couses poursuites. Je m’émerveille devant l’allure de fauve de Nounours. Je m’attendris devant le regard expressif de Nono. Avec Plume, c’est un lien plus solide, plus profond. Elle me permet de me sentir plus apaisée, de surmonter la perte de Sweety. Quand je pleure, elle est là. Quand je suis en crise elle est là. Quand ma peau hypersensible souffre, je me blottis contre elle, contre ses poils soyeux et ça va mieux.je me perds dans son regard et je la regarde courir pendant des heures, hypnotisée, sans penser à mes angoisses.
Le fait de me sentir en décalage avec les autres humains, me faisais ressentir que j’étais une incapable. C’est encore le cas aujourd’hui. Être constamment rejetée, être à côté de la plaque, décalée par rapport aux autres, c’est très frustrant, c’est parfois humiliant. Parfois je me dis qu’il n’y aura jamais de place pour moi dans ce monde, dans cette société que je ne comprend pas. Mais quand je suis avec mes chats, c’est autre chose. Prendre soin d’eux, c’est quelques chose que je comprends, que je sais faire. Même si je suis lente, que je fais les choses différemment des autres, il n’y a pas de jugement, je vais à mon rythme, j’apprends à mon rythme. Je me suis responsabilisée petit à petit pour leur offrir tout ce que je peux. Faire aux mieux pour eux. Ça responsabilise, ça donne un but, ça me fait me sentir capable, me sentir comprise, me sentir aimée.
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